“Extrait de texte n°2” de Denis Schneider

 

On peut, sans forcer le propos jusqu’à l’hypostase de Fernando Pessoa, regrouper mes peintures par “familles”; il ne s’agit pas de périodes picturales qui se succéderaient et dont les exemples abondent dans l’histoire de l’art; ces “manières” différentes, particulières, sont concomitantes, elles se manifestent comme des entités stylistiques propres qui coexistent, telles les “peintures noires” ou celles à fond ocre, les “graphiques”, les “syntaxiques” ou les “pleines”.

 

 

Peintures syntaxiques : syntaxe linéaire ou spatiale

 

72-Rascasse-Chat-Chouette-40.3x121.5-2000

syntaxe linéaire : “Rascasse, Chat et Chouette 40×121.5 – 2000”

 

chevalBleu

syntaxe spatiale : “Cheval bleu à tête jaune (Hommage à Paolo Uccello) 97×130 – 2007”

 

Vertige de la solitude, tissée de force et de faiblesse : le signe est isolé, comme île sur la mer
Il appelle la relation
Dans un espace délimité, – dialogue muet entre les signes comme suspendus
Mais parfois les signes semblent autistes, perdus en eux-mêmes sans lien ou élan vers l’autre ou les autres
C’est au spectateur, par un jeu du regard à manifester toutes les virtuelles connexions qui les font coexister dans un même espace.
Le blanc de la toile devient ainsi vibrant de toutes les traces du regard, de tous les mouvements nécessaires à la lecture active de la peinture.
Dans d’autres cas, des éléments relais permettent une lecture sans effort : une circulation est en place et l’on ne ressent pas alors la nécessité douloureuse de s’extraire de la contemplation d’un signe pour sauter le pas vers le signe voisin perçu mais non pas vu : regard prisonnier d’un balayage hypnotique semblable à celui de l’essuie-glace jouant avec la lumière dans la nuit mouillée. – Expérience pénible, intimiste, hors du temps, dans un monde entre deux
Il arrive alors que le frisson de l’âme nous saisisse.

 

Peintures à fond ocre

 

paysageMetaph

Paysage métaphysique 71×105 – 1998

 

Le fond ocre contraint l’espace vide habituellement blanc à s’incarner, se charger de terre sans qu’il ne perde totalement sa qualité de vide.
Les trouées blanches prennent alors une signification ambiguë de plein/vide : elles sont fenêtres donnant accès à une dimension autre et situent le signe qu’elles dévoilent et qu’elles portent dans une perspective de perte ou de conquête.
Elles créent aussi une densification du blanc par contraste et superposition – le fond ocre peut en effet être perçu symboliquement comme l’expression du vide et le blanc devient en conséquence objet.

 

Peintures graphiques

 

rapace

Rapace et figures archaïques 50×65 – 1998

 

Le trait, la tache – le blanc.
Ambiguïté du trait non pas dessiné mais peint.
Double lecture de la spontanéité et de la fluidité du tracé chargé du recul de la réflexion, de l’effort et d’un temps différent : c’est le geste revisité.
Le tracé spontané est le matériau qui trouve sa place et son sens dans un jeu qui se saisit aussi du peintre. C’est la trace du geste, l’inscription du mouvement le plus musical et chorégraphique des modes d’expression graphique.
Le trait désigne autant les pleins que les vides, il donne au blanc une qualité de respiration.
Ephémère dans le sable, désespéré ou trompant l’ennui sur le mur de prison, écriture de l’âme sur la toile.

 

Peintures noires

 

Loup devorant 87×116 – 2004

Loup dévorant 87×116 – 2004

 

Ici le fond blanc n’est plus un espace porteur de signes : il entre en concurrence avec le noir, il nourrit une tension, et participe du paroxysme. Toute sa propre signification est parfois engloutie par cette part d’ombre. La lourde tache noire engloutit aussi le regard du spectateur et ne laisse au blanc qu’un rôle de faire valoir, neutralisé, oublié.
Pour le spectateur, c’est sans détour que s’établit la dialectique avec sa propre ombre, et son anéantissement. Lorsque cette réalité est ressentie, lorsqu’il touche le fond de ce miroir obscur, surgit alors un flot ininterrompu de manifestations de vie, qui perd sa linéarité et fait voler en éclats les concepts et les idées reçues.
C’est à la lisière de la surface noire, dans son fragile et délicat mouvement fractal, dans son échange pétillant avec le blanc qui la sous-tend qu’émerge à profusion la vie.

Dans une perception plus élémentaire, c’est là aussi que le contour de l’aplat donne un sens d’interprétation immédiat à la surface peinte.

 

Peintures pleines

 

pavot

Avec les morts a mangé du pavot 33×46 – 2002

 

Besoin de transgression
Rompre avec la primauté du blanc

Ce ne sont pas des peintures d’avant la décantation par le vide mais des peintures qui intègrent l’expérience de ce dépouillement.

Perte d’acuité, de pure puissance du signe,
Elan vers une respiration,
Ces peintures prennent leur signification en tant que contrepoint de toutes les autres.

Lieu de plénitude et de luxuriance, de sensualité.

Mondes aux références plus appuyées
Peintures descriptives
Et qui au détour du chemin, sans que l’on y prenne garde peuvent décocher leurs flèches.

 

Peintures mixtes

 

225-Prise-de-vue-116x77-2004

Prise de vue 116×77 – 2004

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